http://www.lesechos.fr/ – Le 01/07 à 08:52
Rendre le sérieux attrayant et apprendre par la « gamification », telles sont les promesses faites par les éditeurs de serious games. Aujourd’hui plus que jamais, la formation revêt donc un caractère stratégique, prenant une place quasi aussi importante que la R&D.
Avec un chiffre d’affaires estimé à 10 milliards d’euros en 2015 (*), l’attractivité du marché du serious game connaît une ascension fulgurante qui se justifie par un constat simple, mais probant : la formation des salariés tout au long de leur carrière est une nécessité pour la plupart des entreprises et les employés sont aussi très demandeurs en matière de formation.
Aujourd’hui plus que jamais, la formation revêt donc un caractère stratégique, prenant une place quasi aussi importante que la R&D. Le serious game est d’ailleurs au cœur des préoccupations de la France qui a déjà investi 20 millions d’euros pour soutenir près de 50 projets dans le cadre du programme « France Numérique 2012 ».
Alors qu’en est-il des stratégies des entreprises en matière de formation de leurs employés ? Sont-elles prêtes à se séparer des modèles traditionnels au profit de modules de formation plus efficaces ? Quel degré de connaissance ont-elles en matière d’e-learning : serious games, MOOC, SPOC… ?
Nouvelle génération, nouveaux besoins, nouveaux systèmes de formation
L’avènement des nouvelles technologies, l’arrivée des digital natives sur le marché du travail et la transformation digitale qui s’opère dans nos sociétés sont 3 facteurs principaux qui bouleversent nos modes de formation traditionnels. Aujourd’hui, 58 % de la population joue aux jeux vidéo et la génération Y représentera 75 % de la population active dans 10 ans. Autant de raisons qui doivent nous pousser à imaginer des pédagogies innovantes afin de les adapter au mieux à cette nouvelle génération qui s’apprête à prendre les rênes de nos entreprises.
Pourtant, quand on interroge les DRH, on s’aperçoit qu’ils sont encore une majorité à se tourner vers ce qu’on appelle les formations « en présentiel ». Par définition, il s’agit de séances orchestrées physiquement par un formateur à destination d’un ou plusieurs salariés. Ces derniers sont alors spectateurs de leur formation, dans une posture d’écoute passive. Au-delà des frais engendrés (coût par salarié, éventuels déplacements, hébergement, restauration…) et des contraintes (géographiques, nombre de personnes à former…), les formations en présentiel sont plus souvent subies que demandées et requièrent aussi un effort de concentration et d’implication de la part du salarié.
Des efforts parfois difficiles à réaliser, surtout quand on sait que nous retenons 20 % de ce que nous entendons et 90 % de ce que nous disons et faisons. Bien que le présentiel soit encore majoritairement mis en place dans les entreprises, les DRH et responsables de formation n’en sont pas moins conscients des limites réelles de leur efficacité.
Il est donc grand temps d’introduire de nouvelles méthodes de formation adaptées à l’évolution de notre société connectée. Il en existe 3 principales :
– Le serious game : logiciel qui combine une intention sérieuse (pédagogique, informative, communicationnelle, marketing, idéologique, d’entraînement…) avec des ressorts ludiques. Sa vocation est de rendre attrayante la dimension sérieuse par une forme, une interactivité, des règles et éventuellement des objectifs ludiques.
– Le MOOC (Massive Open Online Course) : très en vogue depuis quelques années, il s’agit de cours en ligne gratuits et ouverts à tous dans le monde entier. Les MOOC peuvent avoir un caractère diplômant.
– Le SPOC (Small Private Online Courses) : vu comme le « modèle réduit » du MOOC, le SPOC est fondé sur le même principe (celui des cours à distance en ligne), mais à une différence près ; il est réservé à une trentaine de participants seulement, sélectionné en amont (« massive » vs « small »).
Du présentiel au « Blended Learning » : un premier pas vers la formation autonome des salariés
Les entreprises sont encore peu nombreuses à avoir exclusivement recours aux serious games pour former leurs salariés. Pour autant, elles ont conscience des limites et des contraintes du présentiel pour le développement professionnel et personnel de leurs employés. Pour pallier ce problème, certaines ont choisi de se tourner vers le « Blended Learning » : appelé aussi apprentissage ou formation mixte, le blended learning est un concept en vogue mélangeant astucieusement réel (présentiel) et virtuel (e-learning) grâce à l’introduction de techniques immersives dans les modèles de formation classiques.
Les avantages sont nombreux : ne pas perdre le côté humain de la formation tout en intégrant le salarié au cœur du dispositif, le rendre acteur de sa formation, introduire le serious game comme méthode de formation ludique et sociale, et capitaliser sur les atouts de chacune des méthodes pour développer les compétences attendues. Il en va différemment pour les grandes multinationales qui se sont, pour la plupart, déjà délestées du présentiel au profit de l’apprentissage en ligne.
Et que ce soit dans la vente, le management, la santé, la communication ou encore l’éducation, tous les secteurs d’activité sont concernés par la montée en puissance du e-learning.
Par exemple, le groupe L’Oréal a lancé Reveal, un serious game destiné à faire connaître ses métiers aux étudiants du monde entier. Renault a choisi de former les concessionnaires à la vente de ses véhicules via un projet de formation comportementale associée à un dispositif de serious game. De son côté, Michelin a formé ses équipes au droit de la concurrence via un serious game intitulé Mission Antitrust. Dans le domaine de la santé également, l’arrivée massive des nouvelles technologies et des objets connectés nécessite une formation continue des médecins, des chirurgiens ou des infirmiers. Ainsi, Pulse ! fut l’un des premiers serious games créés dans le but d’aider un professionnel à prendre les bonnes décisions pour sauver son patient.
Dans un autre registre, le jeu Premiers Combats créé par Tanukis pour la Fondation du BTP avait pour but de sensibiliser les élèves aux dangers des addictions. La Société Générale a également mis en place « Une innovation BDDF », une plateforme interactive dont l’objectif était d’aider les employés dans leur développement personnel. Les exemples sont aussi nombreux que les thématiques abordées sont variées !
Nous sommes donc clairement à l’aube d’un bouleversement dans les modes de formation : l’arrivée des nouvelles générations sur le marché du travail et la digitalisation de nos sociétés en sont les principaux moteurs. Preuve en est d’ailleurs l’arrivée sur le marché du travail de nouveaux métiers comme les ingénieurs pédagogiques ou concepteurs e-learning, qui ont pour mission principale de concevoir, gérer et évaluer des dispositifs de formation en ligne.
Mais comme souvent, les entreprises sont encore en retard dans la prise de conscience de cette transformation et des opportunités qui en découlent. Les raisons sont nombreuses : les TPE et PME sont souvent effrayées par les budgets. D’autres manquent de connaissances sur le sujet ou ont des craintes vis-à-vis de l’inconnu : comment savoir si tous les salariés auront le même niveau de formation à la fin ? Ont-ils tous les mêmes capacités et connaissances digitales pour suivre un serious game ? Comment évaluer efficacement les retombées de ce type de formation ?
Autant de questions qui trouvent leur réponse dans des systèmes d’évaluation et de tracking permettant de s’assurer des acquis des salariés. D’autre part, n’oublions pas que certains serious games ont valeur de diplôme à l’arrivée.
Dans tous les cas, il est indéniable que le marché des serious games a un bel avenir devant lui et qu’il s’apprête à faire de nos formations un véritable moteur de croissance pour nos sociétés.
(*) Source : étude IDATE (Institut de l’Audiovisuel et des Télécommunications en Europe)